Le transfert

Le transfert n'existe pas qu'en psychanalyse. Si nous demandons aux savants leur avis sur la conduite du monde (sur laquelle ils ne sont pas plus spécialistes que nous), c'est en raison du transfert sur le savoir dont ils sont connaisseurs. En politique, nous élisons des personnages qui, avant l'élection, sont aussi ignorants que nous de la chose publique : après leur élection, nous pensons qu'ils savaient déjà ... et eux-mêmes nous font croire et semblent croire qu'ils ont été choisis pour leurs capacités. Leur savoir mérite souvent aux enseignants une admiration de la part de leurs élèves qui déborde le cadre de leur compétence. Le médecin et le curé figurent encore au nombre de ces professions qui mobilisent un transfert sur le savoir qu'ils sont censés posséder. Mais ce n'est pas le même savoir qui est mobilisé par la science et la technique, la religion et le mythe, ou par la psychanalyse. Au cours de l'analyse*, l'analysant* met le psychanalyste à la place de celui qui saurait sur son être : le sujet* suppose que le psychanalyste connaît peut-être la réponse et que, même s'il ne la connaît pas, il peut le conduire vers cette réponse. Le psychanalyste revêt la fonction du sujet supposé savoir .

Au cours des entretiens préliminaires, le rôle du psychanalyste est de mettre en place cette fonction. Ainsi, tout en préservant l'idée que le savoir peut être ébranlé, il amène le sujet à se confronter à l'énigme de ce qu'il est. Le transfert est l'appel au savoir résultant de cette confrontation. Ce phénomène se double de l'amour du savoir : l'analysant aime le savoir que détiendrait le psychanalyste et il a tendance à reporter cet

La position du psychanalyste consiste, en effet, à ne pas se laisser aspirer par la demande de savoir. Au cours de sa propre analyse, il a appris ce qui, chez lui, est irréductible au savoir. Le paradoxe, c'est que l'analysant loge la " supposition " du savoir qui le concernerait au point précis où le psychanalyste s'introduit comme " objection " au savoir. À son insu, l'analysant vise le point où l'analyste logerait sa singularité*. L'analyse passe par cette expérience, une expérience dans laquelle la présence du psychanalyste est essentielle.

Le transfert joue un rôle essentiel pendant l'analyse. On peut prendre l'exemple de l'analysant qui a préparé sa séance. Il s'allonge et tout ce qu'il avait en tête paraît absolument dérisoire, ou il ne s'en rappelle pas. Sa parole n'a plus la même valeur. Ainsi il vérifie en acte qu'il ne revient pas au même de se raconter des histoires intérieurement ou à ses amis et de tenter de dire les mêmes histoires sous transfert, en présence de quelqu'un qui soutient la fonction du sujet supposé savoir. D'autant que le psychanalyste est souvent le seul à donner une adresse à ces résidus du langage* que sont les lapsus*, les actes manqués*, les rêves, à accueillir ce qu'il y a parfois d'inutile dans la parole que le sujet ne saurait avouer ailleurs. .

Jamais de la vie je ne resterai dix ans chez une personne qui ne me parle pas ! " Combien d'analysants n'ont-ils pas tenu un tel propos ? Il est de fait impossible d'expliquer la nature de cette relation et sa durée sans prendre en compte le phénomène du transfert.