La
singularité, encore :
Le
prix du sang
Marie Cardinal a traîné de spécialiste en spécialiste ses
hémorragies, et essayé traitement après traitement Jusqu'au jour où elle s'adresse
à un psychanalyste: Étonnamment, celui-ci lui demande de laisser cela de ne
pas se soigner, de lui parler d'autre chose '' Marie y consent. Les hémorragies
cessent... Mais elle a substitue à son symptôme" une névrose* de transfert
. Elle suivra cette analyse jusqu'à avoir une idée de la chose qui l'habite,
qui lui pose problème, et de ce qu'elle pourra en faire dans son existence
Écrivain, elle développe une œuvre originale, éprouvant elle aussi la nécessité
de témoigner de son expérience analytique et de s'expliquer avec elle devant
ses lecteurs.
Georges Perec ne retrouve qu'en analyse la raison du poids qui l'accable : le
souvenir de l'arrestation de sa mère par les nazis et la certitude de sa mort
dans les camps. Il y est conduit à partir d'un souvenir : l'image du croisillon
de la chèvre (chevalet) sur laquelle l'homme qui l'hébergeait alors sciait le
bois. Le X s'est déformé en croix gammée dont il fait la pièce ultime du dernier
puzzle que reconstruit un des personnages de son chef-d'œuvre, La Vie, mode
d'emploi. Or, si l'ultime pièce a la forme d'un X, le vide restant découpe un
M, ou un W : et l'homme meurt, cet X inlogeable à la main. Perec a puisé dans
ce qui l'animait la force du même engagement dans la littérature et contre le
fascisme .
Le
prix de la vie
Pierre
Rey affiche un dégoût de la vie qui l'écarte de toute vie professionnelle régulière
et hypothèque ses capacités de création. Il va voir Lacan, qui lui demande un
tarif excessivement élevé, au point qu'il ne peut envisager de poursuivre. Lacan
le convoque le lendemain. Il revient. Il prend un travail, paye son analyse.
Non seulement il retrouve le goût de l'écriture, mais il puise dans son expérience
analytique la matière de plusieurs livres dans lesquels il tente de s'expliquer
avec ce qu'il y a misé, ce qui s'est passé et ce qu'il en a tiré. S'ils ont
constitué des succès de librairie, n'est-ce pas parce que des lecteurs ont trouvé
dans le plus singulier de l'œuvre de Pierre Rey la place où loger un instant
leur propre singularité* ?
La valeur du témoignage
Nombreux sont
les écrivains, artistes, scientifiques, sportifs, hommes politiques,
qui ont pris le chemin de l'analyse: certains témoignent avoir retrouvé,
grâce à lui, le goût de leur comptemporains et renouvellé
leur façon de s'adresser à eux.
Parce
que Les ouvrages évoqués ici ne cèdent pas sur l'impossibilité d'élever le singulier
au rang de savoir pour tous, ils rejoignent l'universel de la structure : ils
nous enseignent. Au-delà, ils donnent une idée d'une sorte de passe*, le consentement
au désir d'écrire.
Nombreux sont ceux, inconnus ou célèbres qui s'engagent dans une analyse*. Une
seule raison : le sentiment de ne pas tirer de la vie ce qu'ils pensent pouvoir
en espérer.
De nombreuses personnalités
des sciences, des arts, de la politique, du sport, affichent avoir eu recours
à la psychanalyse ou sont supposées s'être soumises à l'expérience. CitonsWoody
Allen, LouisAlthusser,Michèle Barzach,Eric Cantona, François Cheng, Catherine
Clément, Alain Cuny, Gaston Defferre, Catherine Deneuve, Dominique Fernandez,
Marie- Antoinette Fouque, Valéry Giscard d'Estaing, Yannick Noah, Anaïs Nin,
François Wahl ...
Des
analysants dans le siècle...
Un
enseignement :
Ó
Les Essentiels Milan
Le signe de la mort
Nous pourrions poursuivre avec Jean-Guy Godin, Françoise Giroud,
Béatrix Beck, François Weyergans, etc. Une question subsiste : comment se fait-il
que ces ouvrages, où un auteur relate une expérience intime, intéressent des
lecteurs ? Exhibitionnisme d'un côté ? Voyeurisme de l'autre ? En tout cas,
nous constatons chez chacun de ces auteurs un effort pour suivre à la trace
leur être en fuite. L'ouvrage est une sorte de témoignage de l'échec particulier
de l'œuvre à loger l'être de l'écrivain. C'est cet échec qui fait le style propre
à chacun. Du coup, certains lecteurs trouvent dans le vide ménagé autour de
cette question de l'être une place où y supposer leur propre être. On s'y retrouve.