Le
diagnostic clinique
Question
de structure
Le langage* préexiste au nouveau-né. Celui-ci se réalise comme
sujet* en s'emparant des mots pour se dire. Ce faisant, il s'effectue nécessairement
sur l'un des trois modes possibles : la névrose*, la psychose* ou la perversion*.
Il s'agit de modes de fonctionnement psychique qui ne disent pas ce que chaque
sujet " est ". La direction de la cure dépend du mode de fonctionnement adopté
par le sujet, et de ce qu'il en fait. Le névrosé est le sujet qui se heurte
au manque de savoir concernant son être mais qui a le moyen de le symboliser
grâce au langage : pour le psychanalyste, mettre en place la fonction du sujet
supposé savoir, c'est permettre cette élaboration. Le psychotique rejette
la solution langagière pour imposture : il pourra tenter de reconstruire le
monde sur un mode délirant et, s'il est paranoïaque, d'identifier le responsable
du défaut de jouissance* qui l'affecte du fait de parler. Dans ce dernier
cas, incarner le supposé savoir, c'est courir le risque d'apparaître comme
le persécuteur .
Historiquement, la cure analytique a plutôt été inventée pour le névrosé. En
effet, c'est en écoutant ses premières patientes que Freud s'est aperçu qu'elles
étaient capables de reconstruire le fantasme* avec lequel elles réglaient leur
rapport au monde et dont elles souffraient sous la forme d'un symptôme*. Plus
tard, Freud se rendra compte que la cure, telle qu'il l'a inventée, convient
au sujet de l'association libre*, au sujet dont la structure est réglée par
le
La
cure analytique est faite pour le névrosé
Et
le psychotique ?
complexe* d'Œdipe* et le complexe de castration* : celui qui peut s'assurer
de sa filiation symbolique en appelant au père et qui peut assumer d'être désirant
parce qu'il symbolise le manque comme constitutif. Pour le névrosé, la visée
de la cure sera de l'amener à découvrir que la réponse à la question de ce qu'il
est ne vient pas de l'Autre*, et à trouver, dans cette découverte, le moyen
de se "débrouiller" tout seul pour fabriquer du lien avec les autres .
Cette forme du dispositif ne convient pas à certains sujets.
En effet, les sujets que l'on appelle psychotiques ne symbolisent pas leur rapport
au monde en passant par le complexe d'OEdipe, ils sont poussés à penser que
ce qui embarrasse leur vie est de la responsabilité d'un Autre. Et cet Autre,
ils le construisent avec leur délire ou ils le ren-contrent comme quelqu'un
qu'ils identifient à leur bête noire. Pour le psychanalyste, la difficulté du
traitement de ces sujets réside dans le danger de se placer comme l'autre* du
transfert*, c'est-à-dire soit de rentrer dans le délire, soit de devenir le
persécuteur. Le psychanalyste ne conduit donc pas la cure avec un sujet psychotique
comme il la conduit avec un névrosé. La visée de la cure sera plutôt de permettre
au sujet de se construire une solution, une suppléance lui permettant de maintenir
le lien à l'autre par l'intermédiaire du langage et, dans le même temps, de
ne pas succomber aux exigences de cet autre dont il estime qu'il va profiter
de lui.
La
direction d'une cure psychanalytique dépend d'une part, de la structure
du sujet ( névrosé, psychotique, ou pervers ) et, d'autre part,
de ce que chacun en fait.
Le
névrosé demande au psychanalyste d'occuper la place de celui qui sait. Il arrive
que le thérapeute cède à la suggestion du névrosé et en profite pour manipuler
son " patient ". Cette position de l'analyste tend à la " canaillerie ", comme
le diagnostique Lacan.
Avant
de débuter l'analyse* proprement dite, le psychanalyste pose un diagnostic clinique
qui sera déterminant pour orienter La suite du travail.
La
canaillerie
:
Nombreux
sont les psychotiques qui témoignent avoir réussi à se rendre le monde habitable
grâce à leurs créations scientifiques (Cantor, Turing), littéraires (Rousseau,
Joyce), poétiques (Artaud, Nerval, Pessoa) ou picturales (Van Gogh)...
Sans
le recours à la psychanalyse !